Un second bébé succombe à la dengue en Nouvelle-Calédonie cette année. Le virus sévit aussi à la Réunion et aux Philippines, où une vague de décès met en cause le vaccin proposé par Sanofi. L’OMS tire la sonnette d’alarme.
Une petite fille de 6 mois est malheureusement décédée à l’hôpital de Nouméa, au lendemain de son admission. « Son état s’est aggravé et l’évolution a été foudroyante », selon les autorités de Nouvelle-Calédonie. Mi-mars, une femme de 74 ans avait déjà succombé au virus. Depuis fin février, quelque 1200 cas de dengue de sérotype 2 ont été recensés, auxquels s’ajoutent une vingtaine de nouveaux cas récemment déclarés. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la dengue fait actuellement 12 500 morts par an dans le monde, soit 2,5 % des cas recensés. Cependant, un tiers des dengues passent inaperçues, car elles restent asymptomatiques.
la dengue
La dengue est une maladie infectieuse aigüe qui provoque une forte fièvre, des maux de tête et des douleurs articulaires. Elle peut être mortelle si elle prend une forme hémorragique ou se porte sur des organes vitaux. « La mortalité s’observe quasi exclusivement dans les pays pauvres qui ne peuvent pas gérer les malades comme ils le voudraient. Dans les pays développés, il y a très très peu de morts », explique l’infectiologue Eric Caumes.
La dengue se transmet notamment via la piqure du moustique tigre, également appelé Aedes albopictus. L’insecte a aussi été à l’origine de la grande épidémie de chikungunya qui, entre 2005 et 2006, a touché 260 000 personnes, dont 225 mortellement.
Le terme de dengue fait son apparition dans le langage médical anglais et français vers le milieu du XIXe siècle. Il pourrait provenir de l’espagnol denguero, signifiant « maniéré, guindé », allusion à la démarche raide des malades aux articulations douloureuses. Une autre hypothèse propose le swahili ki denga pepo (crampe soudaine causée par un démon).
Il existe 4 sérotypes du virus responsable de la dengue. La guérison entraîne une immunité à vie contre le sérotype à l’origine de l’infection, mais une immunité seulement partielle et temporaire contre les autres sérotypes.
La pire épidémie depuis les années 1970 à La Réunion
A La Réunion, une telle épidémie ne s’était pas produite depuis la fin des années 1970. Un tiers du département avait alors été touché. Depuis, la maladie connaissait « une petite circulation », avec une pointe à 228 cas en 2004. Et puis début 2018, le nombre de cas s’est mis à augmenter : au 7 mai, 356 malades avaient été diagnostiqués par les laboratoires de ville et hospitaliers, ce qui porte à 2598 le nombre de cas confirmés depuis janvier, dont une cinquantaine ont dû être hospitalisés.
En réaction à cet état de fait, 300 personnes vont être recrutées en service civique dans les jours qui viennent, « chargées de faire de la pédagogie et de la prévention », a annoncé la ministre des Outre-mer Annick Girardin. L’hiver austral arrivant, toutefois, l’épidémie devrait quelque peu s’endormir. « Mais il faut rester très prudent, faire beaucoup d’information et de pédagogie notamment dans cette période hivernale, parce que viendra effectivement le retour du beau temps et c’est souvent là que ça explose », prévient la ministre. Dans le cadre de la prévention de cette maladie transmise par les moustiques, les autorités privilégient la lutte contre les larves et encourage les individus à garder les jambes et les bras couverts.
La vaccination tourne au cauchemar aux Philippines
En 2016, les Philippines avaient lancé une campagne de vaccination contre la dengue pour 837 000 écoliers — le virus est responsable de centaines de morts dans l’archipel philippin, essentiellement des enfants. 6 mois plus tard, le géant pharmaceutique français Sanofi, qui avait présenté son vaccin comme une percée dans le combat contre la dengue, fait volte-face et sème la panique en annonçant que le Dengvaxia peut aggraver les symptômes chez certains patients. Manille suspend alors sa campagne de vaccination, tandis que des centaines de milliers de parents craignent pour leurs enfants.
Aujourd’hui, avec 2 années de recul, qu’en est-il ? 14 enfants sont morts après avoir été vaccinés, et une soixantaine de décès suspects rapportés aux autorités font actuellement l’objet d’une enquête. Quatre mois après sa suspension, la confusion demeure quant aux effets du Dengvaxia, en raison, notamment, de la communication ambigüe des autorités.
Puisqu’il reste difficile de diagnostiquer la dengue post-mortem, la cause de certains décès pourrait rester incertaine. Reste que les certificats de décès attestent de syndromes respiratoires aigus, d’encéphalites, d’appendicites, de chocs septiques – autant de symptômes qui s’apparentent à la dengue sévère.
Méfiance générale contre les vaccins
Fabricant du premier vaccin contre la dengue autorisé dans le monde, Sanofi a beau contester tout lien de causalité entre son produit et le décès d’enfants, le vent de panique n’est pas retombé aux Philippines. La suspicion est telle que la vaccination contre d’autres maladies recule fortement. D’après le ministère de la Santé, les taux de vaccination infantile contre des maladies comme la rougeole ont baissé de 25% durant l’année écoulée. Depuis, les épidémies de rougeole ont fait au moins 13 morts.
Sanofi a toujours fermement défendu le Dengvaxia : « Aucun décès mettant en cause le vaccin n’a été rapporté dans les 15 pays où les essais cliniques ont été menés pendant plus de dix ans et auxquels 40 000 personnes ont pris part », déclarait encore le groupe le 21 mars. « Il n’existe à l’heure actuelle aucune preuve que l’administration de notre vaccin soit à l’origine de décès », poursuivait Sanofi, dénonçant « un climat de défiance à l’égard de la vaccination ».
Si Sanofi a retiré le produit de la vente, c’est qu’ils estimaient qu’il y a un problème.
Eric Caumes, infectiologue
« S’ils ont retiré le produit de la vente, c’est qu’ils estimaient qu’il y a un problème, souligne néanmoins l’infectiologue Eric Caumes. Pour Sanofi, qui a énormément investi pour ce vaccin, les pertes se chiffreront en milliards. Pendant ce temps, l’épidémie continue de progresser dans l’ouest et le sud, tandis que de nouveaux cas ont été confirmés dans de nouvelles communes de l’île.
Des blogueurs favorables au président Rodrigo Duterte, suivis par des millions de personnes sur Facebook, soufflent sur les braises, la campagne de vaccination ayant été lancée sous son prédécesseur Benigno Aquino qui, lui, n’a pas de mots trop durs pour la campagne antidrogue meurtrière de son successeur. Ainsi le jeu des reproches menace-t-il de l’emporter sur le vrai sujet sanitaire
[source :
TV5 Monde]