De récentes recherches semblent démontrer le rôle des déplacements automobiles dans la prolifération du moustique tigre en France et même en Europe. Habituée des transports de marchandises, l’espèce invasive sait aussi profiter de l’habitacle des véhicules pour se propager. L’étude indique que 5 voitures sur 1 000 pourraient en transporter.
Les scientifiques ont étudié le trafic, et même passé plusieurs voitures à l’aspirateur en Espagne pour vérifier leurs hypothèses. récit d’une étude peu commune.
En s’appuyant sur des méthodes pour le moins originales, une étude scientifique met en évidence le rôle de l’automobile dans la dispersion de cette espèce invasive en Europe. « Nous avons vérifié l’impact de la circulation des véhicules individuels dans la dispersion de ce moustique, vecteur potentiel de maladies tropicales au sein des régions tempérées », explique l’entomologiste médical David Roiz, co-auteur d’une publication sur le sujet parue dans la revue Scientific Reports.
Le moustique tigre, également appelé Aedes albopictus est considéré comme l’une des espèces les plus invasives au monde. Cela s’explique par sa forte plasticité physiologique. En effet, cette espèce est capable de coloniser une diversité importante d’environnements et ses oeufs résistent à la dessiccation et aux basses températures, ce qui favorise leur transport. L’espèce aurait ainsi profité du développement du commerce mondial, et en particulier de celui des pneus usagés, pour coloniser de nombreuses régions du monde. Dans les régions tropicales investies, elle pose de sérieux problèmes de santé publique.
Depuis plusieurs années, le moustique tigre, dont les souches tempérées supportent le froid hivernal, envahit également l’Europe et l’Amérique du Nord. Sa présence génère alors de nouveaux risques, notamment pour les humains. Il peut en effet propager les pathogènes tropicaux (dengue, chikungunya, zika), après avoir été contaminé en piquant un sujet infecté lors d’un voyage dans une zone d’endémie. En moins d’une quinzaine d’années, il a ainsi colonisé de nombreux pays européens, dont la moitié de la France. « La dispersion active, par le vol, ne peut suffire à expliquer l’extension de son aire géographique en Europe, estime le jeune chercheur. Il ne peut en effet se déplacer que de 100 à 300 mètres par ses propres moyens et tout laisse à penser qu’il profite des transports terrestres ». De fait, des travaux menés en France, par d’autres scientifiques de son laboratoire ont montré l’importance de la dispersion de l’espèce le long des axes autoroutiers, en fonction de la densité du trafic 2. Les oeufs ou les larves sont peut-être transportés dans les chargements des camions transitant sur ces voies. Comme les passagers, le moustique tigre pourrait aussi voyager dans l’habitacle des véhicules.
« Pour vérifier l’hypothèse d’un déplacement d’Aedes albopictus dans les voitures, nous avons donc intercepté des automobilistes aux barrières de péages avec la police, raconte le spécialiste. Nous les avons interrogés sur leur itinéraire, sur la présence éventuelle d’insectes à bord, sur l’emploi de la climatisation durant le trajet, et nous avons passé l’habitacle à l’aspirateur ». Ce faisant, les scientifiques, qui opéraient sur une autoroute du nord de l’Espagne, ont collecté 4 « passagers clandestins » sur 770 véhicules contrôlés. Peu élevé en valeur absolue, ce chiffre prend des proportions énormes, rapporté au volume du trafic routier. « La modélisation suggère que 13000 à 71 000 véhicules participent à la dispersion passive du moustique tigre sur les routes de cette seule région, révèle David Roiz. Cela signifie que 5 voitures sur 1 000 pourraient contribuer à disséminer le moustique en été le long des principaux axes de communication du sud de l’Europe ! ».
Pour étayer leurs connaissances sur les déplacements automobiles d’Aedes albopictus, l’équipe internationale à l’origine de ces travaux vient de lancer une application de science citoyenne sur smartphone, permettant à tout un chacun de photographier les moustiques vus dans sa voiture et de communiquer les informations utiles sur le trajet effectué par l’insecte. Les autorités sanitaires mettent par ailleurs à disposition un outil de surveillance participative du moustique tigre, où le public peut signaler la présence de l’insecte.
[source : IRD]