Une pharmacienne témoigne
«Actuellement je suis en rupture de stock, je n’ai plus rien à l’exception d’huile essentielle : c’est la première fois que je suis ainsi dévalisée en 10 années», indique une des pharmaciennes de la ville sous-préfecture contrainte de faire un réassort en pleine rentrée. Même constat à la pharmacie Centrale qui s’est rendue compte de l’importance de cette demande. Ils avaient anticipé les réassorts durant tout l’été. «Tous les dix jours, j’ai fait un point pour réapprovisionner nos stocks», certifie-t-elle. Elle atteste ainsi avoir vendu dix fois plus de produits anti-moustique que la saison dernière. Même constat, chez Bertrand Montet, à la pharmacie des Allées, à Valence-d’Agen. «Je viens de faire un nouveau réassort pas plus tard que ce matin : ce sont des ventes exceptionnelles. une hausse de 50 % a été enregistrée, tous produits confondus par rapport à l’été dernier», confirme le praticien qui ne cachait pas que ces achats avaient boosté son chiffre d’affaires.
«Habituellement, l’unique commande de la saison suffit à passer l’été»
Même constat sur quatre départements limitrophes de l’Aquitaine et de l’Occitanie qui n’a pas échappé à la responsable commerciale du laboratoire Merck, celle-ci approvisionnant les pharmacies de ce secteur. «Ces ventes hors normes se concentrent essentiellement sur le Lot-et-Garonne (où la présence du premier cas de moustique tigre en France a été détectée en 2012, N.D.L.R.), le Tarn-et-Garonne, le Gers et la Haute-Garonne. On n’a rien par exemple dans le Lot alors même que cet insecte résiste au manque d’eau», indique la commerciale qui atteste une progression spectaculaire de + 50 % des ventes de son laboratoire. «Des réassorts en plein mois août et en septembre pour ce type de produits, cela n’arrive jamais. Normalement l’unique commande de la saison suffit à passer l’été. Là, je reçois encore des commandes de gels apaisants antimoustiques…»
Un moustique résistant aux insecticides
Un moustique d’origine tropicale qui a également la particularité à la différence de nos espèces indigènes, de «piquer toute la journée, pas que la nuit, surtout au lever et au coucher du soleil». Des piqûres également plus urticantes pouvant conduire à des réactions dans certains cas. «Ce qui nous a particulièrement choqués, ce sont les réactions violentes aux piqûres. Nous avons envoyé au moins deux personnes aux urgences cet été», témoigne le gérant de la pharmacie Lignières, à Montauban.
Pire encore, rien ne semble pouvoir limiter la prolifération de ce moustique. Un constat confirmé par l’Agence régionale de la santé (ARS) qui va jusqu’à déconseiller les campagnes de «démoustication intempestives.» L’établissement du ministère de la Santé assure que «l’utilisation répétée d’insecticides provoque l’immunisation du moustique aux produits utilisés» et par voie de conséquence «leur inefficacité à court terme», sans compter les effets néfastes sur l’environnement et la population.
Si les pharmaciens se frottent les mains de cette manne commerciale exceptionnelle, les Tarn-et-Garonnais dont l’été a été en partie gâché, ne se privent pas de râler contre les pouvoirs publics, et à manifester ce mécontentement sur les réseaux sociaux (notre encadré). D’autant que les piqûres et démangeaisons ne sont rien face aux maladies graves telles que la dengue que le moustique tigre peut transmettre à l’Homme. Des infections encore rares en métropole : quatre cas ont toutefois été recensés il y a trois semaines seulement à Blagnac, Toulouse et Balma.
Le pic de prolifération en voie d’être passé, il faudra toutefois attendre les premières gelées de l’automne neutralisant les larves, pour espérer ne plus être dévoré, et pouvoir même si le climat est moins propice aux grillades, enfin profiter de son balcon ou jardin…
«J’ai passé l’été calfeutrée chez moi»
Le long du Tarn et de la Garonne, et du canal, les témoignages, les coups de gueule des Tarn-et-Garonnais pour expliquer leur été en compagnie du moustique tigre, sont innombrables.«On n’a pas pu passer cet été une seule soirée sur notre terrasse pour dîner : à chaque fois nous avons été mitraillés par les moustiques», assure une Valencienne qui a eu beau allumer ses bougies à la citronnelle et se badigeonner de produits répulsifs. «Rien n’y a fait. Pire encore, il a fallu conserver les fenêtres et portes fermées, en maintenant la nuit les appareils antimoustiques pour ne pas être piqués. J’ai passé l’été calfeutrée chez moi !»
Constat identique à Castelsarrasin où Rose et sa petite-fille ont encore un mauvais souvenir de leur brève cueillette dans le jardin familial. «En seulement dix minutes, on n’a rien compris, nous avons été bombardées par des dizaines de moustiques. Ma petite fille avait des cloques rougeâtres sur tout le corps», certifie la septuagénaire. «Le jardin est infesté, je suis obligée de mettre des gants et des chaussettes pour ramasser mes haricots et tomates». À quelques kilomètres de là, Jean-Jacques, un chasseur, n’est également pas en reste contre ce fléau de l’été. «C’est impossible de chasser sans se faire piquer ou avaler des quantités de bestioles : moucherons et moustiques. J’ai croisé, je n’avais jamais vu cela, des chasseurs qui étaient équipés comme les apiculteurs avec des moustiquaires sur le visage !», certifie le sexagénaire. Interpellant le préfet sur notre compte Facebook, Raphaël évoque même un problème de santé public : «Là, ça devient une question de santé publique. Impossible de sortir dans son jardin ou terrasse que ce soit à Moissac, Valence-d’Agen, Pommevic et j’en passe…»
[source : ladepeche.fr]